CHAPITRE XXV. (suite 1)

LES VAUDOIS RÉFUGIÉS EN SUISSE ET EN ALLEMAGNE RENTRENT À MAIN ARMÉE DANS LEUR PATRIE ET CONQUIÈRENT LA PAIX (1686-1690).

Les Vaudois, traversent le lac, - puis la Savoie; - battent un corps d'armée à Salabertrand ; - entrent victorieux dans leurs Vallées. - Difficulté de la situation, mesure cruelle. - Les Vaudois maîtres des hautes vallées, attaquent celle de Luserne. - Vainqueurs, puis repoussés. - Se retirent sur les hauteurs. - Désertions. - Forcés successivement se réfugient à la Balsille. - Attaqués en vain avant l'hiver. - Approvisionnement providentiel. - Souffrances. - Essai de négociation. - Attaque de la Balsille. - Siège. - Fuite merveilleuse. - Bonnes nouvelles. - La paix. - Retour des prisonniers. - Bobbi remis aux Vaudois. - Arnaud devant le duc. - Allocution de Victor-Amédée. - Vaudois au service du duc. - Retour des Vaudois épars dans leurs Vallées.


Neuf cents hommes avaient effectué le passage du lac, troupe bien petite pour tenter de se frayer un chemin au travers de populations mal disposées et de soldats par milliers, retranchés derrière les courants d'eau ou dans de fortes positions; troupe, au contraire, bien trop nombreuse pour le peu d'aliments qu'elle trouvera dans les lieux écartés où elle va se jeter; foule inhabile, formée de gens de tout âge, endurcis, il est vrai, par le travail, mais étrangers encore à la discipline et aux manœuvres militaires. Que deviendra-t-elle, exposée comme elle va l'être à des privations et à des fatigues incessantes, à la brûlante chaleur durant le jour et au froid glacé des nuits, sans abris le plus souvent, par la pluie, dans des contrées inhospitalières, dans des gorges profondes, au sein des abîmes, ou sur des rocs voisins des neiges éternelles. Ils savent tout cela, ces héritiers du nom vaudois, de la gloire et des souffrances de leurs pères. Seuls maintenant sur la grève du lac qu'ils viennent de traverser, ils touchent de leurs pieds la terre qu'ils vont baigner de leur sueur et de leur sang. Aucune illusion ne les trompe. La dure réalité avec ses dangers et ses privations est là devant leurs yeux, sévère comme la vérité. Mais aucun ne recule, nul ne s'effraie. L'amour de la patrie les enflamme, l'espérance du retour aux lieux qui les ont vus naître, où de temps immémorial leurs pères ont tenu haut élevé l'étendard de la vérité qui est en Jésus-Christ, les anime d'une confiance inébranlable. Le prix du combat leur parait digne des plus grands sacrifices. C'est une patrie terrestre, au souvenir de laquelle ils rattachent leur foi et leur espérance du salut, par une association (ridées facile à expliquer chez des hommes pleins des traditions religieuses de leurs ancêtres. En partant, les armes à la main, pour la reconquérir, leur cœur est à l'aise; car leur cause est juste. lis ne réclament rien que ce dont ils ont été privés par la ruse et par la violence (1). Israël dut aussi autrefois saisir l'épée et le bouclier pour soutenir son droit à la possession de la Terre-Sainte. Et eux, les fils des Vaudois, auraient-ils pu abandonner sans remords et, sans combat, leurs droits sur la terre des martyrs, leurs ancêtres, sur leur héritage incontestable? Leur présence sur la côte de Savoie, à l'entrée des états de leur prince, est leur réponse, Et, quant aux moyens d'exécution, ils souhaitent de n'en employer que de paisibles. Leurs armes ne sont tirées que pour leur défense, si on les attaque, ou si l'on s'oppose à leur passage. Ils désirent rester sous le regard Au Dieu juste juge, et sous sa sainte protection. Ils espèrent pouvoir répéter dans leur marche et dans toute rencontre, comme les enfants d'Israël : L'Éternel est notre étendard.

C'est entre Nernier et Yvoire, deux bourgs du Chablais, vis-à-vis du bois de Prangins, que Arnaud, le premier, descendit de son frêle esquif avec quatorze compagnons. Poser des sentinelles à toutes les avenues, mettre sa troupe en ordre à mesure qu'elle débarquait, furent ses premiers soins. Il divisa ensuite ses neuf cents hommes en vingt compagnies, dont six étaient composées de Français du Dauphiné (2), voisin des Vallées, et du Languedoc, treize autres de différentes communautés vaudoises (3), et une dernière de volontaires qui n'avaient pas voulu faire partie des précédentes. On en forma trois corps : une avant-garde, le centre, et l'arrière-garde, selon la tactique des troupes réglées, qui fut toujours observée par les Vaudois dans leurs marches.
Deux ministres, outre Arnaud, étaient avec la petite armée, Cyrus Chyon, ci-devant pasteur de Pont-à-Royans, en Dauphiné, et Montoux, du val Pragela. Le premier, Chyon, ne suivit pas longtemps l'expédition ; s'étant rendu avec trop de confiance au premier village (4), pour y obtenir un guide, il fut fait prisonnier et conduit à Chambéry, où il demeura jusqu'à la paix.

La troupe, une fois organisée et en mesure de se défendre, si l'ennemi paraissait, fléchit le genou devant le Seigneur de qui dépendait le succès de l'entreprise, et invoqua avec ardeur son secours tout-puissant. Puis, elle se mit en route dans la direction du sud pour franchir le petit chaînon de montagnes qui sépare le Chablais du Faucigny. Yvoire, menacé, ouvrit ses portes et donna libre passage. Les villages qu'on traversa ne songèrent pas seulement à résister. Quelques gentilshommes, ainsi que des magistrats subalternes, de la personne desquels on s'assura, comme otages, durent suivre et même servir de guides jusqu'à ce que d'autres les remplaçassent. Toutefois, ces mesures de rigueur se firent avec tant de ménagements, la discipline de l'armée fut si sévère que la première crainte des habitants de la plaine qu'on traversait se dissipa, et qu'on vit les paysans avec leurs curés s'approcher, regarder tranquillement défiler la troupe, et la saluer même en disant : Dieu vous accompagne! Le curé de Filly leur ouvrit sa cave, et les fit rafraîchir sans vouloir aucun argent.
Mais bientôt, en gravissant la montagne par le sentier qui conduit à Boëge sur la Menoge, en Faucigny, la rencontre qu'ils firent de gentilshommes que, malgré leur ton menaçant, ils firent prisonniers, puis de deux cents paysans armés, sous le commandement du châtelain de Boëge et d'un maréchal-des-logis, dont la résistance fut nulle, leur montra néanmoins la nécessité de prévenir les populations. Ils comprirent que, si la prise d'armes devenait générale, l'expédition courrait de grands dangers. On usa donc d'un petit stratagème : on fit écrire de Boëge par un des gentilshommes, gardés comme Mages, la lettre suivante :

« Ces messieurs sont arrivés ici au nombre de deux mille; ils nous ont priés de les accompagner, afin de pouvoir rendre compte de leur conduite, et nous pouvons vous assurer qu'elle est toute modérée; ils paient tout ce qu'ils prennent et ne demandent que le passage. Ainsi, nous vous prions de ne point faire sonner le tocsin, de ne point faire battre la caisse et de faire retirer votre monde, au cas qu'il soit sous les armes. »
Cette lettre signée par tous les gentilshommes et envoyée à la ville de Viû, en Faucigny, où l'on arriva à l'entrée de la nuit, fit un assez bon effet; et déjà sur la route on ne trouva plus de résistance; au contraire, on rencontra partout de l'empressement à fournir ce qu'on demandait, jusqu'à des montures et des voitures. Une lettre semblable à la première, envoyée à Saint-Joyre, y prépara une bonne réception à nos voyageurs harassés de fatigue. Toutefois, pour gagner du chemin, ils passèrent outre. Ce ne fut qu'à minuit qu'ils s'arrêtèrent en rase campagne, et se délassèrent un peut malgré la pluie.

La seconde journée ne se passa pas aussi paisiblement. Cluse, ville fermée, barrait le passage étroit entre la montagne au nord et l'Arve impétueuse au midi. Les habitants en armes bordaient les fossés, les montagnards accouraient vociférant des injures. La fermeté des Vaudois, résolus à forcer le passage, et l'intervention des otages qui craignaient pour leur vie, amenèrent une capitulation. Lès portes s'ouvrirent et des Vivres furent vendus. La petite armée continuant sa route au midi, en suivant le bord oriental de l'Arve, au pied de montagnes rapprochées, des pentes desquelles on aurait pu l'écraser, en roulant des fragments de rocs, arriva par Maglan au grand pont de Saint-Martin, vis-à-vis de Salenche. De très-loin déjà elle avait vu, sur l'autre rive, un cavalier courant à bride abattue, et en avait conclu qu'il allait jeter l'alarme dans la ville, chef-lieu du Faucigny. Arrivée à cent pas d'un grand pont de bois, flanqué de plusieurs maisons et facile à défendre, elle s'était arrêtée et rangée en pelotons serrés pour l'attaque. Mais, fidèle à la règle qu'elle s'était faite de n'arracher par la force que ce qu'elle n'obtiendrait pas de gré, elle fit demander le passage sur le pont et par la ville. Le conseil de ville, évitant de répondre avec précision, avait gagné du temps et réuni six cents hommes. À la vue de ces derniers, les Vaudois comprirent ce qu'ils avaient à faire ; et en un clin-d'oeil, ils eurent traversé le pont et rangé leur troupe en bataille. Leurs antagonistes se retirant derrière les haies sans faire feu, nos guerriers de deux jours les laissèrent en paix à leur tour, reprirent leur marche, et, quittant la vallée de l'Arve pour se jeter dans une gorge qui s'ouvre au midi de Salenche, ils vinrent passer la nuit au Cablau, où ils manquèrent de nourriture suffisante, et où ils purent à peine sécher quelque peu leurs vêtements percés par la pluie qui n'avait pas cessé de tomber depuis la nuit précédente. Toutefois, ces pauvres gens bénissaient Dieu de leur avoir fait traverser heureusement, sans combat et sans perte d'hommes, des ponts et des défilés où quelques défenseurs courageux auraient pu leur faire, un mal irréparable, et de leur accorder une nuit paisible après tant de fatigues et d'angoisses.

Le repos leur était bien nécessaire ; car ils allaient se trouver en face de difficultés matérielles, dont la perspective seule pouvait abattre le courage d'un homme frais et dispos, combien plus celui d'hommes qui, depuis un grand nombre de nuits et de jours, n'avaient connu d'autre repos ni d'autre sommeil que, celui dont ils avaient pu jouir dans leurs courtes haltes, exposés aux injures de l'air, et ces dernières dix-huit heures à la pluie, sans parler des inquiétudes qui tenaient incessamment leurs paupières ouvertes. Maintenant, ils sont arrivés au pied des géants des Alpes, de ces masses séculaires, qui bravent les vents et les nuages, dont la tête déchirée s'est ceinte de neiges éternelles, et dont les flancs en précipices n'offrent que çà et là, dans leurs déchirures ou dans leurs escarpements accidentés, quelques sentiers dangereux, par lesquels le voyageur ne s'avance pas sans trouble. C'est sur les flancs du roi des montagnes européennes, du majestueux Mont-Blanc; c'est sur les plis ondulés de son manteau de forêts, et de rochers surmontés de neiges argentées, échancrés par les glaciers éblouissants et par les torrents qui s'en échappent en cascades, que les Vaudois portent leurs pas, non pour admirer les merveilles de Dieu, ni pour récréer leur cœur par un spectacle sublime, mais pour fuir les cités et les hommes, pour y respirer en liberté, en suivant rapidement leur chemin, comme le chamois de roc en roc sur les cimes au-dessus d'eux, ou comme l'aigle qui plane sur leurs têtes. Ils sont parvenus à la place où les Alpes, à l'occident du Mont-Blanc, changent de direction tout-à-coup par un angle Obtus, et, cessant de s'étendre à l'ouest, descendent au sud en zigzag. De nombreuses vallées s'étendent à leur base, séparées les unes des autres par les chaînons latéraux de la chaîne principale. C'est sur ces nombreux chaînons, que, du fond de ces vallées, il faut que nos neuf cents voyageurs s'élèvent pour redescendre bientôt après dans la vallée opposée. Ce labeur fatigant sera leur tâche journalière, pendant huit jours, un seul excepté. Souvent, c'est à peine s'ils trouveront autre chose pour les soutenir que le lait avec les fromages des chalets et Peau glacée des montagnes. La pluie battra fréquemment leur dos courbé par la fatigue, et leurs pieds souffrants glisseront plusieurs fois d'un jour sur les neiges et dans les ravins pierreux. Nous ne raconterons pas en détail leurs souffrances; elles fatigueraient le lecteur. Qu'il nous suffise d'en donner une idée, tout en indiquant la route qu'ils suivirent.

De Cablau, dans les montagnes au midi de Salenche, la petite armée remonta la vallée de Mégève, au pied du Mont-Joli, qui la limite à l'orient et la sépare de celle de Mont-Joie ou de Bonnant, et après avoir passé un premier col, où elle se restaura dans des chalets, elle descendit dans le vallon de Haute-Luce, pour gravir ensuite sur la gauche, à l'orient, une montagne escarpée, dont l'aspect inspire l'effroi, mais qu'on ne peut éviter de franchir, si l'on veut entrer dans la vallée de Bonnant pour traverser ensuite le col du Bonhomme, comme c'était le dessein de nos voyageurs. À la vue de cette horrible montagne (5), qui s'élevait à l'orient et qu'ils devaient franchir, le courage faillit manquer à plusieurs. À diverses places le chemin était taillé dans le roc; il fallait monter et descendre, comme si c'eut été par une échelle suspendue sur des précipices. « Arnaud, dit l'auteur de la Glorieuse Rentrée (6), ce zélé et fameux conducteur de ce petit troupeau, ramena, par ses saintes et bonnes exhortations, le courage de ceux qui le suivaient. » Mais ce n'était pas tout, la descente fut encore plus pénible et plus dangereuse que l'ascension. Pour la faire, ils durent être presque toujours assis, et en se glissant comme dans un précipice, sans autre clarté que celle que reflétaient les neiges et les glaciers du Mont-Blanc qu'ils avaient en face (7). Ce ne fut que tard, dans la nuit, qu'ils arrivèrent à des cabanes de bergers , dans un lieu profond comme un abîme, désert et froid, où ils ne purent faire du feu qu'en découvrant les toits pour en prendre les bois, ce qui, en revanche, les exposa à la pluie qui dura toute la nuit. Tant de souffrances déterminèrent le capitaine Chien, d'une des six compagnies françaises, à déserter en emmenant un cheval. Il était d'une constitution délicate.

Le quatrième jour, la petite armée passa le col du Bonhomme qui sépare la province du Faucigny de celle de Tarentaise, le bassin de l'Arve de celui de l'Isère. Elle gravit la montagne, ayant de la neige jusqu'aux genoux et la pluie sur le dos. Elle n'était pas non plus sans crainte de se voir disputer le passage; car elle savait que l'année précédente, ait bruit de leurs premières entreprises, on avait construit dans ces lieux des fortins et des retranchements avec des embrasures et des couverts, dans mie position si avantageuse, que trente personnes auraient suffi, diront nos amis en les voyant, pour les arrêter et les détruire. Ils louèrent Dieu de bien bon cœur de ce que tous ces ouvrages avaient été abandonnés. Des hauteurs du Bonhomme, ils descendirent dans la vallée de la Versois, où leur air résolu imposa aux paysans rassemblés sous le commandement de leur seigneur pour s'opposer au passage. Arrivés sur le soir à Sey, sur l'Isère, et s'y étant pourvus de vivres en abondance, ils campèrent non loin de là.

La cinquième journée, passée à remonter l'Isère, n'eut rien de remarquable, si ce n'est peut-être le trop d'empressement que des messieurs du bourg de Sainte-Foi mirent à les vouloir retenir et héberger, politesse qui les rendit suspects et qui leur procurait l'avantage de faire route de compagnie avec les autres, otages. Le nombre de ceux-ci était assez considérable; mais leur sort n'était pas tellement triste qu'ils ne répétassent avec bonne humeur leur refrain accoutumé, quand ils voyaient quelque personnage important s'approcher trop : Encore un bel oiseau pour notre cage. Ce soir-là, pour la première fois, depuis huit jours et huit nuits, Arnaud, et Montoux, son collègue, furent logés, soupèrent et reposèrent en paix trois heures.

Le jour suivant, ils. gravirent le Mont-Iséran, où l'Isère prend sa source. Des bergers, qui les régalèrent de laitage sur ces Alpes couvertes de bétail, les avertirent qu'au-delà du Mont-Cenis des troupes exercées les attendaient de pied ferme. Cette nouvelle, loin de les alarmer, les enflamma de courage. Car, sachant que l'issue des combats dépendait de Dieu, pour la gloire duquel ils avaient pris les armes, ils ne doutaient pas qu'il ne leur ouvrit le passage partout où on prétendrait le leur fermer.

Parvenue la veille dans la Maurienne, la petite armée gravit, au septième jour, le Mont-Cenis, où elle enleva tous les chevaux de poste, pour que la nouvelle de son arrivée ne fût pas transmise trop rapidement. Une petite division fit aussi main basse sur des mulets chargés des bagages du nonce en France, cardinal Ange Ranuzzi, qui retournait en Italie. Mais les muletiers ayant porté plainte aux officiers, ceux-ci firent restituer tout ce butin. Une montre seulement échappa aux recherches (8). Ayant terminé cette affaire, l'armée prit la route du petit Mont-Cenis, laissant la plus fréquentée sur la gauche, et descendit par le col de la Clairée (9) dans la vallée du Jaillon, après s'être égarée, sur la neige dont la terre était couverte, et dans le brouillard» Plusieurs passèrent misérablement la nuit dans les bois. Le gros de, la troupe n'eut sur eux d'autre avantage que de se réchauffer et se sécher autour de quelques feux.

Quand, de la vallée du Jaillon, le huitième jour, les Vaudois voulurent pousser sur Chaumont où ils espéraient passer la Doire (Doria Riparia), à une lieue au-dessus de Suse, et que, dans ce but, ils cherchaient à déboucher de l'étroite vallée où ils avaient passé la nuit, ils trouvèrent l'ennemi maître des hauteurs. Une partie de la garnison française d'Exiles, et un grand nombre de paysans, occupaient un poste avantageux qui dominait le sentier par où il fallait passer. Le capitaine Pelenc, envoyé pour traiter, ayant été retenu prisonnier, l'avant-garde forte de cent hommes s'avança ; mais, bientôt repoussée par une grêle de balles, de grenades et de débris de rochers, elle passa à gué le Jaillon et défila. par la rive droite, protégée par un bois de châtaigniers. Cependant, l'examen des lieux inspirant quelques craintes, quant au succès ultérieur, on décida de regagner les hauteurs d'où l'on était descendu. Ce parti extrême jeta les otages dans le désespoir, harassés de fatigue comme ils l'étaient. Mettez-nous plutôt à mort, s'écriaient-ils. On en laissa plusieurs en arrière. Les Vaudois eux-mêmes ne s'en tirèrent qu'avec peine. Une quarantaine d'hommes s'égarèrent, entre autres les capitaines français Lucas et Privat dont on n'a plus entendu parler, et deux bons chirurgiens, Jean Malanot pris par les Piémontais (10), puis conduit dans les prisons de Turin, et Jean Muston pris par les Français et conduit sur les galères de cette nation où il est resté jusqu'à sa mort. En remontant le col de Clairée, les trompettes sonnèrent longtemps pour rassembler les égarés, et indiquer à tous la direction. On attendit même deux bonnes heures. Puis on se remit en route, pressé par le temps, quoiqu'il manquât encore beaucoup de monde.

Du sommet de la montagne où la petite armée évita une rencontre avec deux cents soldats de la garnison française d'Exiles, elle se dirigea par le col de Touille, à l'ouest, contre Oulx, situé aussi dans la vallée de la Doire, mais plusieurs lieues au-dessus de Suse. L'intention d'Arnaud était de passer la rivière au pont de Salabertrand, entre Exiles et Oulx. La nuit les avait déjà surpris qu'ils étaient encore dans la montagne. Près d'un village, à une lieue du pont qu'ils espéraient forcer, un paysan auquel ils demandèrent si l'on pourrait y avoir des vivres, en payant, répondit d'un ton glacial :

«Allez, on vous donnera tout ce que vous voulez, et on vous prépare un bon souper. »
Ces mots leur partirent menaçants. Mais il n'était plus temps d'hésiter. Après s'être restauré dans le village, on se remit en marche, et à une demi-lieue du pont, on découvrit devant soi, dans la vallée, jusqu'à trente-six feux, indice d'un campement assez considérable. Un quart-d'heure après, l'avant-garde donna sur un poste avancé.

Chacun reconnaissant alors que l'heure critique, de laquelle dépendait le succès ou la ruine de l'expédition, était venue, écouta avec recueillement la prière; puis, à la faveur de la nuit, on s'avança jusqu'au pont. Au cri de: Qui vive ! on répondit, ami, réponse suspecte à laquelle l'ennemi ne répliqua que par les cris de tue! tue! et par un feu épouvantable pendant un quart-d'heure, qui ne fit cependant aucun mal, Arnaud ayant ait premier coup ordonné de se coucher à terre. Mais une division d'ennemis qui avait suivi les Vaudois, les ayant pris à dos, ils se trouvèrent ainsi entre deux feux. Dans ce moment redoutable, quelques-uns comprenant qu'il fallait tout hasarder, crièrent : Courage! le pont est gagné! À ces mots, les Vaudois se jetant à corps perdu, le sabre à la main et la baïonnette au fusil, sur le passage désigné à leur valeur, l'emportèrent, et attaquant, tête baissée, les retranchements, ils les forcèrent du même coup. Ils poursuivirent les ennemis jusqu'à les saisir par les cheveux. La victoire fut si complète, que le marquis de Larrey qui commandait les Français, et qui lui-même fut blessé au bras, s'écria : Est-il possible que je perde le combat et l'honneur!

En effet, deux mille et cinq cents soldats bien retranchés; savoir, quinze compagnies de troupes réglées et onze de milices, sans compter des paysans et les troupes qui avaient pris les Vaudois à dos, avaient été défaits par huit cents hommes, exténués de fatigue, aussi bien que novices dans l'art de la guerre. La main de Dieu avait fait cela. Les Vaudois n'eurent que dix ou douze blessés et quatorze ou quinze tués. Les Français avouèrent une perte de douze capitaines, de plusieurs autres officiers et d'environ six cents soldats. Ce combat fut avantageux aux otages qui en profitèrent presque tous pour s'évader. De trente-neuf il n'en resta que six des plus anciens.
La lune s'était levée, les ennemis avaient disparu. Les Vaudois se pourvurent de munitions de guerre et firent du butin. Ils auraient bien désiré de se reposer, mais la prudence parlait pour le départ Arnaud l'ordonna. Après avoir jeté dans la Doire une partie de ce qu'on ne pouvait emporter, on rassembla ce qui restait de poudre, et en partant on y fit mettre le feu. Au fracas épouvantable qui suivit et qui retentit au loin dans les montagnes, se joignit le son des trompettes vaudoises et les acclamations des vainqueurs, jetant leurs chapeaux en l'air en signe d'allégresse et s'écriant: « Grâces soient rendues à l'Éternel des armées qui nous a donné la victoire sur tous nos ennemis! »

Mais si la joie était grande, la fatigue l'était aussi, et elle devint bientôt telle que la plupart tombaient de sommeil. Et cependant il fallait avancer et monter, si possible, la montagne de Sci qui les séparait du Pragela, pour éviter d'être surpris le lendemain par toutes les forces que l'ennemi avait dans la vallée de la Doire. Mais, quelque soin que l'arrière-garde mit à réveiller les dormeurs et à les faire marcher, quatre-vingts hommes restèrent en route et furent faits prisonniers; perte qui, jointe aux quarante égarés dans les ravins du Jaillon, affecta vivement la petite armée, si heureuse d'ailleurs d'avoir obtenu d'aussi grands succès.
Le lendemain, neuvième jour depuis leur départ, était un dimanche. L'aurore parut, comme ils atteignaient le haut de Sci, et quand tous eurent rejoint, Arnaud, le coeur ému, leur fit remarquer dans l'éloignement les cimes de leurs montagnes. Une seule vallée les en séparait, celle de Pragela ou du Cluson jadis amie, toute peuplée de Vaudois dans les temps peu reculés, longtemps unie à celles du Piémont par des alliances, par une organisation ecclésiastique semblable et par un synode commun. Elle avait été naguère encore un lieu de refuge pour eux dans la persécution de 1655. Elle l'eût été encore aujourd'hui, si le grand roi, le roi très-chrétien, n'en eût fait disparaître, depuis quelques années, tous les évangéliques par l'émigration ou l'abjuration. Ce ne fut donc point dans le temple d'aucun de ces villages, autrefois évangéliques, que nos voyageurs purent rendre grâces à Dieu des témoignages nombreux de son infinie miséricorde, ce fut sur le Sci solitaire, sous la voûte des cieux, dans l'enceinte du vaste horizon de montagnes éclairées par les rayons éblouissants du soleil levant. C'est là que le conducteur de ce petit peuple, Arnaud, à genoux comme tous ceux qui l'entouraient, s'humilia avec eux devant l'Éternel et l'adora, en le bénissant pour ses délivrances. Tous, après avoir confessé leurs péchés, regardèrent avec confiance à Dieu, l'auteur de leur salut, et se relevèrent pleins d'un nouveau courage. Quelques heures après, ils passaient le Cluson, se reposaient à la Traverse et allaient coucher au village de Jaussaud, au pied du col du Pis.

La dixième journée s'écoula pour nos voyageurs dans les gorges de montagnes qui unissent la vallée de Pragela à celle de Saint-Martin. Un détachement de soldats piémontais qui gardait le col du Pis prit la fuite, à la vue de notre bande intrépide. Celle-ci, contrainte par les privations à pourvoir aux besoins du moment présent ainsi qu'à ceux de l'avenir, se crut autorisée à capturer un troupeau de six cents moutons qui paissaient sur sa route; elle en restitua toutefois un petit nombre contre quelque argent. Les autres, égorgés le lendemain et mangés sans pain, furent pour elle un régal et un réconfort.

Ce fût le mardi 27 août 1689, que la vaillante troupe, qui avait traversé le lac Léman, onze jours auparavant, et surmonté avec constance et abnégation des obstacles immenses, mit le pied dans le premier village vaudois, la Balsille, à l'extrémité nord-ouest de la vallée de Saint-Martin. Moment solennel! unissant de doux et de douloureux souvenirs du passé aux craintes et aux inquiétudes de l'avenir. Tout leur rappelle des jours heureux qui ne sont plus, qui renaîtront peut-être. Mais, quelle que soit l'issue de leur entreprise hardie, tout leur annonce que, pour un temps long encore, les privations et une lutte à mort les attendent. Ils le, savent, ils s'y sont préparés. La déroute du Jaillon, le glorieux fait d'armes du pont de Salabertrand, et l'épuisement joint au sommeil lors de la montée du Sci, leur ont enlevé près de cent cinquante hommes. Plusieurs blessés au passage de la Doire sont restés en arrière sur la terre de France; des traîtres et des recherches minutieuses les livreront à la vengeance du roi. Enfin, la désertion a enlevé à l'armée pendant la dernière nuit vingt de ses défenseurs (11). Nos héroïques montagnards se trouvent donc réduits au minime chiffre d'environ sept cents, alors que les plus rudes combats contre des milliers de soldats disciplinés les attendent.
Il est important de se faire une juste idée de leur situation, rendue si critique par leur petit nombre, pour pardonner aux Vaudois une mesure cruelle que l'instinct de la conservation leur arracha. l'impossibilité de garder en lieu sûr les prisonniers, ainsi que l'impérieuse nécessité de cacher cependant aux ennemis leurs marches et leur faiblesse numérique, les contraignirent à n'accorder aucun quartier aux malheureux soldats ou paysans que les événements de la guerre jetaient au milieu de leurs bandes armées. Ce fut sur Palpe (12) du Pis que commença la première exécution. Six soldats des gardes de son altesse royale furent mis à mort (13). À la Balsille, quarante-six miliciens de Cavour, outre deux paysans apostats, furent conduits deux à deux sur le pont de la Germanasque, exécutés, puis jetés dans les ondes tourbillonnantes. Disons cependant que, dès-lors, l'armée ne sévit jamais contre des prisonniers aussi nombreux, et que des guides, des paysans suspects ou apostats, des militaires détachés, furent seuls victimes de cette terrible loi.

Du vallon septentrional, dont le village de la Balsille occupe l'extrémité occidentale, Arnaud, avec sa troupe, se rendit en descendant d'abord le long du torrent jusqu'à Macel, dans une autre partie de la vallée supérieure de Saint-Martin, dans le vallon de Prali (ou des Prals), qui touche à la France au couchant, et qui se réunit à l'orient au précédent, au-dessus du Perrier, pour ne plus former, jusqu'au Pemaret, qu'un profond sillon traversé par la Germanasque, avec quelques échancrures sur les deux rives. La petite armée, pour plus de sécurité et pour mieux explorer la contrée, se divisa en deux corps, dont l'un passa par la montagne à Rodoret, et l'autre à Fontaine par le bas de la vallée.

Nulle part on ne rencontra des soldats, mais seulement quelques Savoyards, nouveaux habitants, sur lesquels on fit main basse. Parvenus au hameau des Guigou, ils eurent la joie de trouver encore debout le temple des Prals. Ils en arrachèrent les ornements qu'y avait attachés la superstition. Puis les sept cents guerriers, déposant leurs armes et se pressant dans l'enceinte et devant le portail, entonnèrent le psaume LXXIV qui commence ainsi :

Faut-il, ô Dieu, que nous soyons épars ?
Et que sans fin, ta colère enflammée
Jette sur nous une épaisse fumée ?
Sur nous, Seigneur, le troupeau de tes parcs, etc.

Ils chantèrent aussi le psaume CXXIX :

Dès ma jeunesse, ils m'ont fait mille maux
Dès ma jeunesse, Israël le peut dire,
Mes ennemis m'ont livré mille assauts:
Jamais pourtant ils n'ont pu me détruire, etc.

Pour se faire entendre, tant de ceux qui étaient au-dedans que de ceux qui étaient au-dehors, Arnaud monta sur un banc, placé dans le vide de la porte, et prit pour texte de ses instructions quelques versets de ce dernier cantique.

À la vue de ce temple, à l'ouïe de ces chants sacrés et de cette prédication d'un serviteur de Dieu environné de dangers, plusieurs se souvinrent du, dernier pasteur qui eut prêché en ces lieux, du bienheureux Leydet, surpris par les papistes comme il chantait des psaumes sous un rocher, et qui mourut martyr, en 1686, en confessant le nom du Sauveur. Tout ici, le présent et le passé, s'unissaient pour donner à l'assemblée une émotion profonde et pour lui faire chercher en haut le secours dont elle éprouvait le besoin.
S'étant assurés que les villages supérieurs de la vallée de Saint-Martin, à peine habités par un petit nombre de papistes, étaient dégarnis de troupes, nos conquérants du sol natal se hâtèrent de passer dans la vallée de Luserne par le col de Giulian (ou Julian), qu'ils trouvèrent occupé par deux cents soldats des gardes. Les attaquer malgré leurs bravades (14), les forcer dans leurs retranchements, les mettre en fuite, fut l'affaire d'un instant. Cette action coûta la vie à un seul Vaudois. Les fuyards y perdirent leurs munitions, leurs provisions et leur bagage; butin agréable aux vainqueurs, qui leur tuèrent encore trente et un hommes en les poursuivant. Des montagnes, la petite armée, se précipitant dans la large vallée de Luserne, surprit Bobbi qui en occupe le fond et en chassa les nouveaux habitants. Puis passant, pour un jour, des fatigues de la marche et des luttes armées aux séances paisibles, elle se transforma en assemblée religieuse, écoutant avec recueillement les exhortations d'un de ses pasteurs, M. Montoux, ou en conseil national, délibérant sur ses intérêts et s'imposant à soi-même des lois, garantie d'ordre et de justice. Un serment d'union et de fidélité à la cause commune, à celle de leur rétablissement dans les héritages de leurs pères avec l'usage de leur sainte religion, fut prêté devant la face du Dieu vivant par les pasteurs, capitaines et autres officiers à tous ceux de la troupe, et par ceux-ci aux premiers. On jura également de mettre en commun le butin, de respecter le nom de Dieu, et de travailler à retirer leurs frères des liens de la cruelle Babylone. Quatre trésoriers et deux secrétaires furent préposés sur le butin, un major (15) et un aide-major établis sur les compagnies.

Le grand bourg du Villar, au milieu de la vallée de Luserne, fut attaqué comme Bobbi l'avait été; et, d'abord, les ennemis s'enfuirent, les uns dans le val Guichard, sur la rive droite du Pélice, les autres dans le couvent où ils furent serrés de près. Mais un renfort considérable de troupes régulières étant monté à leur secours, les Vaudois se virent forcés de battre en retraite sur Bobbi, et même quatre-vingts des leurs n'échappèrent qu'en se dispersant pour se rejoindre loin du corps principal, sur le Vandalin, limite des Alpes d'Angrogne. Montoux, le second pasteur, séparé des siens dans le trouble d'un pareil moment, fut entouré par les ennemis, puis conduit dans les prisons de Turin, où il resta jusqu'à la paix. Arnaud se crut perdu trois fois; trois fois, il se mit en prière avec six des siens, et trois fois Dieu éloigna le coup fatal. Enfin ce chef, dont la vie était si précieuse, atteignit la cime sur laquelle les quatre-vingts avaient fait halte.

Cette défaite changea la situation. Les huit premiers jours de leur rentrée, les Vaudois, prenant l'offensive, avaient battu successivement tous les corps qui s'étaient trouvés sur leur chemin. Désormais, ils n'attaqueront plus que rarement et seulement des convois, des postes avancés, des colonnes détachées. Réduits à la défensive, ils se retrancheront dans les retraites des montagnes, d'un abord difficile, dans des forteresses naturelles aisées à défendre, tandis que leurs détachements battront la campagne pour se procurer quelques vivres. C'est sur les pentes de leurs monts, au centre de leurs verdoyants pâturages, jadis peuplés de leurs troupeaux, maintenant solitaires, qu'ils vendront chèrement leur vie. Décidés, du moins, à mourir dans leur héritage, sur leur sol veuf et désolé, ils ne poseront leurs armes qu'avec le dernier soupir, ou à la paix, si leur prince leur en offre une honorable.

Abandonnant donc l'espérance de se maintenir dans leurs anciens villages de la riche vallée de Luserne, renonçant même à la possession du Villar et de Bobbi, les Vaudois se retirèrent sur les hauteurs de ce dernier endroit, aux granges du Serre-de-Cruel, localité naturellement forte où ils portèrent leurs malades et leurs blessés. Les quatre-vingts qui s'étaient réfugiés dans les Alpes d'Angrogne, ayant reçu du renfort, formèrent une brigade active et alerte, qui tint constamment la campagne, explora les hameaux et les villages de ce vallon, y livra plusieurs combats, entre autres un près de la Vachère et du mont Cervin. Dans ce dernier, ils tinrent tête à six cents hommes, leur en tuèrent cent et n'en perdirent eux-mêmes que quatre. Mais leurs privations étaient grandes. Plus d'une fois, ils n'eurent pour aliment que des fruits sauvages. Vingt-neuf hommes revinrent un soir n'apportant qu'un pain de noix dont ils durent se contenter. Un détachement qui rejoignit le camp volant, avant le combat qu'on vient de mentionner, avait passé deux jours sans rien manger; encore ne put-on donner à chacun pour le réconforter qu'un morceau de pain à peine gros comme la paume de la main. Le soir de ce même jour, tous ces hommes réfugiés dans les rochers près d'un petit hameau, nommé Turin, (16), s'estimèrent heureux de se nourrir de choux crus qu'ils n'osèrent cuire au feu par crainte d'être découverts. Le lendemain au Crouzet, aussi dans le val Saint-Martin, ils n'eurent pour apaiser leur faim et reprendre des forces qu'une soupe faite avec des choux, des pois et des poireaux, sans sel, sans graisse et sans aucun assaisonnement, ce qui ne les empêcha pas de la manger avec grand appétit.

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(1) Qu'on ne dise point que la cour de Turin avait tenu les promesses faites par elle aux Vaudois, lorsque MM. de Muralt, députés des Cantons évangéliques, négociaient les conditions de l'émigration, ni celles que le prince Gabriel de Savoie avait faites au nom du duc, son neveu, pour engager les Vaudois, non encore vaincus, à poser les armes.
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(2), Savoir, du val Cluson ou Pragela, du Queyras, de l'Embrunois, etc. Leurs capitainesse nommaient Martin, Privat, Lucas, Turel, Fonfrède et Chien.
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(3) Angrogne eut trois compagnies et pour capitaines, Laurent Buffa, Étienne Frasche et Michel Bertin; - Saint-Jean deux, sous les capitaines Bellion et Besson; - la Tour une, sous Jean Frasche; - Villar une, sous Paul Pelenc ; - Bobbi deux, sous les capitaines Martinat et Mondon ; - Prarustin une, sous Daniel Odin ; - Saint-Germain et Pramol une, 80 us le capitaine Robert; - Macel une, sous Philippe Tron-Poulat; Prali une, sous le capitaine Peyrot.
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(4) À Nernier probablement.
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(5) Que l'auteur de la Rentrée appelle montagne de Haute-Luce, du nom du village qui est à ses pieds, mais qui est, sans doute, ou le col Joli (haut de 7240') ou le col de la Fenêtre (ou Portetta, comme on le nomma à M. Brockedon, qui a visité ces contrées et suivi le même chemin que les Vaudois). (Voir les Vallées Vaudoises pittoresques, par Beattie, p. 168.) Il est difficile, et peut-être impossible, de préciser par lequel des deux cols les Vaudois passèrent ; ils ne pourraient pas le dire eux-mêmes, ayant dû s'en remettre, par l'épais brouillard qu'il faisait, au guide dont ils se défiaient, qu'ils durent menacer, et qui peut-être les conduisit par rancune par les chemins les plus épouvantables.
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(6) Il n'est pas probable que Arnaud, à qui on attribue la rédaction de l'histoire de la Glorieuse Rentrée, ait parlé ainsi de lui-même. Mais il se pourrait que ces louanges soient une citation du journal du jeune Paul Renaudin (ou Reynaudin) de Bobbi, que Arnaud aurait reproduites textuellement. L'auteur de la Glorieuse Rentrée reconnaît, en effet, que ce journal, écrit fort fidèlement et avec beaucoup d'exactitude, lui a fourni plusieurs bons mémoires pour son histoire.
Le vieillard Josué Janavel, resté à Genève, put entendre avant sa mort la lecture du manuscrit de son jeune compatriote et en reçut de vives émotions. Paul Renaudin avait quitté Bâle où il étudiait, pour prendre le mousquet. Il se remit aux études après la paix et mourut pasteur à Bobbi. (Hist. de la Glorieuse Rentrée, édition de 1710, pages 69 et 175, ou édition de 1845, pages 65 et 131.) Voir aussi la thèse savante sur les Vaudois qui existe à la bibliothèque de Bâle.
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(7) C'étaient les sommités et les glaciers du Mage, de Trez-la-Tête, etc. (2) L'auteur de la Rentrée a cru que ces cabanes étaient Saint-Nicolas de Vérose, en quoi il a probablement fait erreur ; car il dépeint le lieu comme profond, semblable à un abîme désert et froid, taudis que Saint-Nicolas est un grand village, dans une situation riante à mi-côte du Mont-Joli. Les cabanes, dans lesquelles nos voyageurs trouvèrent un si triste gîte, étaient peut-être des chalets dépendants de Saint-Nicolas, mais situés plus haut dans la vallée au pied du col du Bonhomme. M. Brockedon cité dans les Vallées Vaudoises pittoresques, par M. Beattie, comme ayant visité ces contrées d'après l'itinéraire vaudois, croit que, ces cabanes dont parle la Rentrée pourraient être les chalets de la Barme.
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(8) La correspondance. du prélat disparut aussi. Il paraît qu'elle parvint au roi de France, ce qui causa un déplaisir infini au cardinal qu'elle compromettait. Mais les Vaudois ont toujours déclaré qu'ils étaient entièrement étrangers à cette affaire.
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(9) C'est l'opinion de M. Brockedon, qui a exploré avec soin ces lieux. L'auteur de la Rentrée donne un autre nom à cette montagne, celui de Tourlier.
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(10) Il paraît que la cavalerie piémontaise du comte de Verrue, qui occupait Suse, se mit aussi en campagne. Mais la majeure partie des troupes étaient françaises. Chaque nation gardait ses prisonniers. (Voir Histoire Militaire, etc., par le comte de Saluces, t. V, 1). 6 et 7. )
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(11). probablement des Français du Pragela ou du Dauphiné que le voisinage de leur patrie, de l'entreprise commune.
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(12) Les Vaudois appellent Alpes, les hauts pâturages sur lesquels existent des chalets.
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(13) Exhortés à prier, ces pauvres papistes ignorants demandèrent comment il fallait faire ? (V. Glorieuse Rentrée.)
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(14) Venez, venez, barbets du diable, leur criaient ces soldats, nous occupons tous les passages, et nous sommes trois mille. Leur sentinelle criait à tue-tête - Qui vive ? si vous ne parlez, je tire, je tire. (Voyez Glorieuse Rentrée.)
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(15) Ce fut le capitaine Odin ; Arnaud commandait en chef.
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(16) Rière Fayet, val Saint-Martin.